Quand nos os eurent touché terre,
Croulant à travers nos visages,
Mon amour, rien ne fut fini.
Un amour frais vint dans un cri
Nous ranimer et nous reprendre.
Et si la chaleur s’était tue,
La chose qui continuait,
Opposée à la vie mourante,
A l’infini s’élaborait.
Ce que nous avions vu flotter
Bord à bord avec la douleur
Etait là comme dans un nid,
Et ses deux yeux nous unissaient
Dans un naissant consentement.
La mort n’avait pas grandi
Malgré des laines ruisselantes,
Et le bonheur pas commencé.
A l’écoute de nos présences ;
L’herbe était nue et piétinée.
***
« Pleinement », poème de René Char (1907-1988) – Les Matinaux (1950)
Tu pars au petit matin
Avec tout ce qui est à toi
Dans une petite valise noire
Seul sur le quai de gare
Le vent et la pluie
Sur un triste et solitaire visage
Ta mère ne comprendra jamais
Pourquoi tu as dû partir
Mais les réponses que tu cherches
Ne seront jamais trouvées à la maison
L’amour dont tu as besoin
Ne sera jamais trouvé à la maison
Malmené et maltraité
Toujours un garçon seul
Tu étais celui
Dont ils parlaient dans toute la ville
Celui qu’ils humiliaient
Et ils ont essayé si fort
Ils t’ont blessé pour te faire pleurer
Mais tu ne leur as jamais montré tes pleurs
Juste à ton âme
Mais tu ne leur as jamais montré tes pleurs
Juste à ton âme
Tu pars au petit matin
Avec tout ce qui est à toi
Dans une petite valise noire
Seul sur le quai de gare
Le vent et la pluie
Sur un triste et solitaire visage
You leave in the morning
With everything you own
In a little black case
Alone on a platform
The wind and the rain
On a sad and lonely face
Mother will never understand
Why you had to leave
But the answers you seek
Will never be found at home
The love that you need
Will never be found at home
Run away, turn away, run away, turn away, run away
Run away, turn away, run away, turn away, run away
Pushed around and kicked around
Always a lonely boy
You were the one
That they’d talk about around town
As they put you down
And as hard as they would try
They’d hurt to make you cry
But you never cried to them
Just to your soul
No you never cried to them
Just to your soul
Run away, turn away, run away, turn away, run away
Run away, turn away, run away, turn away, run away
Cry , boy, cry
You leave in the morning
With everything you own
In a little black case
Alone on a platform
The wind and the rain
On a sad and lonely face
Run away, turn away, run away, turn away, run away
Run away, turn away, run away, turn away, run away
Ça se gâte dans tous les coins On n’attend plus les martiens Ça va barder On est tous au premier rang Pour claquer, ça c’est dément Quelle société
Bienvenue l’âge atomique Quelle période magnifique On dit que tout va sauter Oui, ça nous fait rigoler Bienvenue l’âge atomique Quelle période magnifique
Moi je ne veux pas mourir Je n’sais pas vers où courir Ça va barder Y’en a qui jouent les martyrs D’autres ont peur de se salir Quelle société
Bienvenue l’âge atomique Quelle période magnifique On dit que tout va sauter Oui, ça nous fait rigoler Bienvenue l’âge atomique Quelle période magnifique
Ça va barder
Les cerveaux électroniques Et les plus grands scientifiques Plus rien n’y fait
Ça se gâte dans tous les coins On n’attend plus les martiens Quelle société
Bienvenue l’âge atomique Quelle période magnifique On dit que tout va sauter Oui, ça nous fait rigoler Bienvenue l’âge atomique Quelle période magnifique
Aujourd’hui, une très jeune fille a réussi à me faire passer ce billet à travers le grillage de la ligne de «démarcation». Sur ce billet il y avait écrit (c’était presque illisible) :
«Monsieur, je ne vous connais pas. S’il vous plaît, lisez-moi, écoutez-moi, gardez-moi. Monsieur, je suis là depuis dix jours pour une T.S., comme on dit ici. Je suis perdue.
Monsieur, ce n’est pas les enfants qu’il faut enfermer, mais les parents. Les parents nous jettent leur monde au visage comme un seau d’eau sale. Mais eux, ils peuvent signer les papiers d’internement. Je suis perdue. Je ne trouverai jamais le chemin.
C’est ma troisième T.S., comme on dit ici. Les infirmières n’aiment pas les T.S.
Monsieur, croyez-moi, je ne suis pas folle. La prochaine fois, je réussirai. Elles ne m’auront pas.
Monsieur, je ne vous connais pas. Je vous ai observé à travers le grillage. Toujours seul. Pardonnez-moi de vous avoir fait signe. Je suis perdue. Je vous donne ce cri qui est toute ma vie. S’il vous plaît, gardez-le. Pensez à moi, souvent. Merci.
Je m’appelle Marjorie. J’ai 19 ans.»
Il n’y a jamais eu d’autre billet. Cette petite lettre pliée, presque illisible, tremblée, je vous le jure, Mademoiselle Marjorie, elle ne me quittera jamais.