La maman et la putain

«Il ne faut baiser que quand on s’aime vraiment… Et je ne suis pas saoule…si je pleure…Je pleure sur toute ma vie passée, ma vie sexuelle passée, qui est si courte. Cinq ans de vie sexuelle, c’est très peu. Tu vois, Marie, je te parle parce que je t’aime beaucoup. Tant d’hommes m’ont baisée. Ils m’ont désirée, tu sais. On m’a désirée parce que j’avais un gros cul qui peut être éventuellement désirable. J’ai de très jolis seins qui sont très désirables. Ma bouche n’est pas mal non plus. Quand mes yeux sont maquillés ils sont pas mal non plus. Et beaucoup d’hommes m’ont désirée comme ça, tu sais, dans le vide. Et on m’a souvent baisée dans le vide. Je ne dramatise pas , Marie, tu sais. Je ne suis pas saoule. Et qu’est-ce que tu crois, que je m’appesantis sur mon sort merdique. Absolument pas. On me baisait comme une pute. Mais tu sais, je crois qu’une jour un homme viendra et m’aimera et me fera un enfant parce qu’il m’aimera. Et l’amour n’est valable que quand on a envie de faire un enfant ensemble. Si on a envie de faire un enfant, on sent qu’on s’aime. Un couple qui n’a pas envie de faire un enfant, ce n’est pas un couple, c’est une merde, c’est n’importe quoi, c’est une poussière…les super-couples libres…Tu baises d’un côté, chéri, je baise de l’autre. On est super-heureux ensemble. On se retrouve. Comme on est bien. Mais c’est pas un reproche que je fais, au contraire. Ma tristesse n’est pas un reproche, vous savez. C’est une vielle tristesse qui traîne depuis cinq ans. Vous en avez rien à foutre. Regardez tous les deux, vous allez être bien…Comme vous pouvez être heureux ensemble.»

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Monologue dit par Françoise Lebrun, extrait du film « La maman et la putain » de Jean Eustache, en hommage à Bernadette Lafont, qui pour moi était une grande actrice et une belle personne.

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