Nichita Stănescu – La restitution de la clé
J’ai envie
de ne plus avoir
envie de toi
La tristesse, elle,
n’est pas une pensée,
elle est chose.
Mange-là, si tu peux la partager avec quelqu’un !
La douleur de la vie
est bien une chose –
et non sa contemplation
J’ai envie
de ne plus avoir
envie de toi.
Abd Al Malik – Les Autres
Moi, moi quand j’étais petit, j’avais mal
c’était l’état de mon esprit je suis né malade
sur l’échelle de Richter de la misère malade ça vaut bien 6
quelques degrés en dessous de là où c’est gradué fou…
Les autres, les autres, c’est pas moi c’est les autres, les autres
J’étais voleur et, avant d’aller voler, je priais
je demandais à Dieu de ne pas me faire attrapper
je lui demandais que la pêche soit bonne
qu’à la fin de la journée, le liquide déborde de mes poches
Bien souvent j’ai failli me noyer J’ai été à sec aussi souvent…
Quand je croisais papa, le matin, aller travailler avec sa 102 bleue
en rentrant, le matin de soirée j’me disais « C’est un bonhomme mon vieux! »
Ensuite j’me faufilais dans mes couvertures et j’dormais toute la journée
Le style « Vampire » dormir la journée et rôder une fois le soleil couché
Le genre de prédateur à l’envers le genre qui à la vue d’un poulet meurt de peur
Je ne me suis jamais fait prendre
et si, si j’avais été pris, aux keufs j’aurais dit…
Les autres, les autres, c’est pas moi c’est les autres, les autres
J’étais beau-parleur et je souriais aux filles en jeans avec de grosses ceintures
celles qu’aiment bien l’odeur que dégagent les gars
qu’ont la réputation d’être des ordures
le genre à jurer sur la vie de sa mère dès qu’il ouvre la bouche
Rêve de BMW pour asseoir à la place du mort celle qui couche
dans mon monde un mec comme moi c’est le top
J’aurais été une fille on m’aurait traité de sale…
Quand je croisais ma soeur avec ses copines dans le quartier
moi qu’allais en soirée j’lui disais « rentre à la baraque ! Va faire à bouffer ! »
Ensuite j’allais rejoindre mes copines celles qui me faisaient bien délirer
celles qui comme moi avaient un père une mère
peut-être bien des frères et soeurs qui sait
Mais moi du genre beau parleur à l’endroi, sans foi ni loi
mais c’était pas moi le chien mais…
Les autres, les autres, c’est pas moi c’est les autres, les autres
Et puis du jour au lendemain j’ai viré prêcheur
promettant des flammes aux pécheurs et des femmes aux bons adorateurs
Comme si Dieu avait besoin de ça pour mériter qu’on l’aime
Mais moi, moi pour que les autres m’aiment, moi
moi j’en ai dit des choses pas belles et j’en ai accepté aussi
On m’a dit « T’es noir tu veux te marier avec elle mais t’es noir ! »
Les autres y disaient comme ça qu’elle était trop bien pour moi
Donc moi, moi j’faisais de la peine à voir, moi
moi j’continuais ma parodie mon escroquerie spirituelle
Sauf que j’me carottais moi-même j’étais devenu un mensonge sur pattes
qui saoule grave et qui sait même pas ce qu’il dit
qui voit même pas que c’est un malade et qui dit comme ça
Tout le temps il dit y dit comme ça…
Les autres, les autres, c’est pas moi c’est les autres, les autres
Et je vous dis monsieur je vous dis monsieur
quand je pense à tout ça je pleure je pleure.
Sigurdur Pálsson – Premier jour d’été
Le premier jour d’été
le soleil monte
autour du corsage ouvert
du cercle des montagnes orientales
Les oiseaux de passage fous de chant
dans ses rayons
Jaillissent sources
et gros saumons scintillants
dans la limpidité de l’eau froide
en pleine course
dans la recherche ensorcelée
de la source
Sur les rives des chevaux
dans une vitesse excessive taciturne
chevaux sans hommes
Jaillissent les sources
le premier jour d’été
et les vaches se déplacent doucement
A la Chagall dans le bleu