Pourquoi la poésie?

perfectanimalshots24

La poésie
pour vivre dans un monde irrespirable
pour traverser l’enfer du temps
pour arracher les racines de l’habitude
pour que meurent les certitudes
pour explorer l’archipel de la folie
pour guérir les meurtrissures de l’âme
pour affronter le bloc du réel
pour sourire au malheur
pour survivre au fracas du monde
pour vivre chaque instant d’éternité
pour t’aimer plus que je ne m’aime
pour faire jaillir la beauté du néant
pour briser les os du mensonge
pour faire pleurer la mort
pour t’ensevelir de ma douleur
pour t’aimer comme un assassin
pour crier ce qu’on n’a jamais dit
pour dompter le vertige des mots
pour absoudre les crimes du langage
pour lire dans tes yeux l’abandon
pour psalmodier les erreurs de jeunesse
pour entendre les oiseaux célébrer le printemps
pour redonner aux choses leur intrinsèque beauté
pour donner à ma naissance le sens de la mort
pour rimbaldianiser la vie

La poésie pour être qui je suis.

***

Stéphane Chabrières (né en 1970)

Pavillon 34

On aura beau me coudre une tête d’orvet
on aura beau me transfuser, me perfuser, m’andoliser,
rien ne m’empêchera de demander pourquoi
j’ai la mémoire de tout le sang du monde
pourquoi ma chair pourrit partout où je me tais
et pourquoi j’ai l’idée d’un corps démesuré

je m’enivre des plaies ouvertes dans ma bouche
je voudrais m’achever en faisant tout sauter
et glisser sous ma peau des trucs à retardement

les mains derrière le dos
les bras sanglés de cuir
je me glisse à mi-corps dans l’éther des couloirs
à la recherche de l’homme blanc
qui m’a remis ma muselière

mes doigts se brisent comme du givre
et je m’enfonce dans une fosse d’orchestre
au milieu des lagunes
je prends feu au pupitre à chaque démesure
les oiseaux que j’attrape s’enflamment entre
mes mains
et mes yeux me regardent
du fond des poissons blancs
pendus à des crochets

tout autour de mon banc
on verse de l’eau claire
mes voisins ont les yeux ouverts aux quatre coins
il y a des filles allongées derrière les rideaux lourds ;
la dame psychiatre a des orgasmes formidables !…
je n’ai plus une place dans l’ombre où je m’enterre
j’ai peur de me détendre
j’ai peur de ce grand calme qui descend dans
mes veines,
j’ai peur de crever seul dans un petit lit-cage…

La Colombière,
Montpellier

***

Tristan Cabral (né en 1944) –  H.D.T (hospitalisation à la demande d’un tiers) 2010

La chanson du nuage

Sur les nuages réside tout ce qu’il me faut :
pressentiments sûrs comme le jour,
certitudes vives comme l’éclair,
sur les nuages moi-même je réside
– blanche, dans un éblouissant soleil,
de ce bonheur hors d’atteinte, je fais des signes d’adieu.
Vertes forêts de ma jeunesse, portez-vous bien.
Des monstres rôdent par là –
jamais plus je ne poserai mon pied sur terre.
Un aigle m’a enlevée sur ses ailes –
loin du monde
j’ai la paix.
Assise sur les nuages, je chante –
des ricanements de vif-argent
tombent en gouttelettes sur la terre –
donnant naissance à des herbes-chatouilles
et à des fleurs-qui-volent.

***

Edith Södergran

Ray Manzarek: The End

Ray Manzarek, l’organiste génial du groupe The Doors, nous a malheureusement quittés le 20 Mai à l’âge de 74 ans. Il est parti rejoindre son ami Jim Morrison au paradis des légendes du rock.

Pour lui rendre hommage, voici une vidéo.

Voici la fin, mon bel ami,
Voici la fin, mon seul ami, la fin
de nos plans élaborés, la fin
de tout ce qui a un sens, la fin,
ni salut, ni surprise, la fin.
Je ne te regarderai plus dans les yeux, jamais.
Peux-tu imaginer ce que nous deviendrons,
sans limite, ni entrave,
désespérément avides de quelques mains étrangères
dans une contrée désespérée ?

Dernier espoir

Il est un arbre au cimetière
Poussant en pleine liberté,
Non planté par un deuil dicté, –
Qui flotte au long d’une humble pierre.

Sur cet arbre, été comme hiver,
Un oiseau vient qui chante clair
Sa chanson tristement fidèle.
Cet arbre et cet oiseau c’est nous :

Toi le souvenir, moi l’absence
Que le temps – qui passe – recense…
Ah, vivre encore à tes genoux !

Ah, vivre encor ! Mais quoi, ma belle,
Le néant est mon froid vainqueur…
Du moins, dis, je vis dans ton coeur ?

***

Paul Verlaine

Coq O Rico

Ce matin-là à la lumière vive de l’été
Moi l’enfant que j’étais
Par le joli chant du coq
Je fus réveillé

Quand j’entrai dans le poulailler
Par sa crête hérissée et colorée
Je fus émerveillé

Si tôt ce matin
Je ne savais pas qu’en entrant
Dans cette basse-cour
Je trouverais l’amour

***

Patricia Jacquart